La grève générale espagnole peut infléchir le mouvement d’austérité européen
Le plan n’a pas encore été voté que déjà, dans toutes les calles espagnoles, s’amasse une foule déterminée à ne pas se laisser faire. Trois mois après le retour des conservateurs espagnols au pouvoir, les syndicats ont réussi à unir le mouvement des jeunes indignés, success-story espagnole des derniers mois, à l’opposition du peuple touché par une cure d’austérité sans précédent. La situation est dramatique en Espagne : 23% de chômage, des déficits publics abyssaux de 8.51% et une agitation sociale très tendue. Si l’on ajoute à cette situation nationale délicate les tentations séparatistes de régions plus solides comme la Catalogne ou la Galice, l’Espagne sombre inextricablement dans les profondeurs de la crise.
Sur le chemin de la faillite, l’Espagne regarde autour d’elle. Ses comparses sont nombreux. L’Italie et la France souffrent d’une désindustrialisation vive et dangereuse structurellement pour l’équilibre de leur déficit extérieur : sans industrie, ces pays doivent importer des produits manufacturés afin de répondre à leur demande intérieure. Et plus la demande augmente, plus le déficit s’accroît. Madrid croise aussi le regard de son voisin de Lisbonne, à la dette exacerbée et au déficit disproportionné. L’Espagne voit, loin devant, la Grèce, au bord de la rupture, où chaque négociation aboutit difficilement à un accord fait de remords et de regrets. Réunis en famille, les pays européens s’observent et se résignent. Les normes bruxelloises sont claires et parfaitement définies : il faut ramener d’ici 2016 le déficit public à 3%. C’est à prendre ou à laisser.
Mais pourquoi sanctionner le peuple ? Il faut certes réduire les dépenses (dépenses sociales en majorité, traitements des fonctionnaires) et augmenter les recettes (hausse des impôts, des taxes). Mais le déficit extérieur doit aussi être équilibré : à trop payer l’extérieur, on s’endette. C’est pourquoi les gouvernements souhaitent réduire les importations. Une seule solution : contracter la demande et par conséquent limiter les importations pour rééquilibrer les comptes.
La leçon est double. Tout d’abord, pour Bruxelles, les plénipotentiaires sont les gouvernements nationaux : ils peuvent tout entreprendre pour réduire leur déficit. Paradoxalement, la crise condamne la supranationalité et montre bien que l’Union Européenne balbutie encore. Enfin, les gouvernements doivent trancher entre l’économiquement viable et le politiquement vivable. Pour l’instant, ils ont choisi de privilégier l’économie au politique. La grève générale espagnole peut tout changer. Ces choix des gouvernements sont risqués mais inéluctables : il faut sauver les économies nationales rapidement, avant que tout explose. Et ce au risque de tremper dans l’acide des opinions européennes déjà très mitigées et d’affaiblir encore un peu plus une Union Européenne tremblante.